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Happy Birthday Mister President

Où une délégation de professeurs surprend le secrétaire de Direction en débarquant en force dans son bureau pour lui souhaiter un bon anniversaire, et où ils manquent de peu de traumatiser ce grand sociopathe dans l'âme.



Collège Jean Roucas, Drôme : nouvelle scène de terreur dans l'Administration (par notre correspondant sur place en immersion debout devant un fond vert).



Dans les services administratifs du Collège Jean Roucas, c'est la consternation. Depuis ce funeste premier mercredi d'avril, le café n'a plus le même goût, et c'est à peine si les secrétaires apprécient encore leurs 220 minutes de pauses hebdomadaires.

De l'avis général "on savait que ça pouvait arriver, bien sûr, personne n'est à l'abri. Mais c'est une chose de le savoir, et une autre de le vivre de l'intérieur", confie Mme P*****, en état de choc. "Chaque jour, je remercie le ciel de ne pas avoir été sur les lieux au moment de l'incident".

C'est en effet sur le coup des 9h30 ce mercredi 1er avril que tout bascule pour M G****, secrétaire de direction de père en fils depuis une demi-génération, et poisson-clown intérimaire à mi-temps dans un cirque aquatique. Alors que comme tous les matins, l'intéressé lutte douloureusement pour garder ses paupières ouvertes (avec un succès tout relatif), et qu'il fait semblant de taper des choses sur son clavier (débranché) pour donner l'impression de travailler, il est violemment tiré de sa léthargie par l'irruption soudaine dans son bureau de plusieurs individus aux mines qu'il qualifiera de "patibulaires" lors de sa déposition ("mais pas toutes", se récriera-t-il après coup. "Je me souviens surtout d'un certain professeur d'Histoire Géographie. J'ai vu l'étincelle du Mal briller dans ses yeux. J'ai tout de suite compris qu'il était une menace et que, si je n'y prenait pas garde, il me mangerait un bras"). Le réveil est brutal pour ce fonctionnaire de premier ordre.

"En temps normal, mon corps se lève vers 6h30, sous la contrainte. Mais mon esprit, lui, ne se réveille vraiment que sur le coup de 16h30-17h. Dans l'intervalle, j'ai coutume de hocher la tête en souriant et en répondant "oui" à toute silhouette floue qui stationnerait quelques minutes dans mon champ de vision". Mais ce jour-là ne sera pas son jour de chance. La belle mécanique professionnelle se grippera du fait de la malveillance d'un seul individu, M S****** D****, CPE du collège sus-mentionné (déjà soupçonné de plusieurs exactions par les services d'Intendance, allant du détournement de trombones au recel de rouleaux de scotch).

Jaloux du charisme époustouflant de M G***, dont il envie ouvertement les 156 amis Facebook (et les huit cent notifications quotidiennes à base de chatons qui sautent sur des trampolines en marbre), M D**** aura profité de sa position avantageuse au sein de l'établissement pour ourdir un sombre complot contre l'innocent gratte-papier. Un complot que les experts du NCIS n'hésiteront pas à comparer à ceux ourdis jadis par la regrettée Milady de Winter (avec laquelle M D**** partage, selon nos sources, une partie de son ADN, ainsi que son goût prononcé pour le port des talons hauts dans l'intimité).

Car ce jour-là, ce fameux jour, ce triste jour, ce ne furent pas moins d'une vingtaine de professeurs qui envahirent l'espace professionnel de la victime. Professeurs qui s'étaient d'ailleurs, selon l'intéressé, parfaitement préparé. "C'était prémédité, c'est certain", raconte ce dernier en tremblant de tous ses membres. "Ils maîtrisaient toutes les subtilités stratégiques des armées du grand Gengis Khan. ça ne s'improvise pas comme ça. Le linoleum, d'ailleurs, n'a pas repoussé derrière eux, ce qui constitue la preuve de leur efficacité". Entonnant pour l'impressionner un chant guerrier plein de violence, lui-même accompagné d'angoissantes psalmodies occultes, ils lui jettent ensuite ce qu'il identifia plus tard comme des "offrandes païennes", sans doute initialement dédiées aux dieux de l'ancien temps que les enseignants vénèrent secrètement dans les coins sombres des salles des professeurs.

Pris de cours, M G**** ne sait pas comment réagir. Au fond de lui, il panique : aucun homme normalement constitué n'est prêt à affronter pareils débordements, alors lui, vous pensez bien... Mais il s'applique à ne pas le montrer. Surtout, ne pas laisser deviner sa peur. Ne rien laisser paraître. Rester imperturbable. Cela tombe bien : c'est sa spécialité, et bien malin serait celui qui décèlerait chez lui ne serait-ce qu'une once de frémissement. N'écoutant que son courage légendaire (lequel n'a d'égal que son charisme susmentionné), il caresse l'idée de courir comme un dératé vers la porte de sortie mais se ravise bientôt : courir n'est pas dans son profil de poste, on pourrait considérer ça comme une faute professionnelle. De plus, la horde sauvage fait barrage entre lui et la seule issue, resserrant son étau autour de sa personne. "Je ne me suis jamais senti aussi vulnérable - si on excepte cette matinée de 1988 où un inconnu m'a dit "bonjour" dans la rue et où j'ai du lui répondre "bonjour" en retour. J'ai vu toute ma vie défiler devant mes yeux. J'ai même revécu un à un tous les bourrages papier de la photocopieuse. Un vrai cauchemar".

M G*** a beau n'être que catégorie C, il a une conscience plutôt nette du danger qu'il encourt : il sait qu'au moindre mouvement brusque de sa part, au moindre geste imprudent (qui, heureusement, ne sont pas non plus inscrits sur son profil de poste), tout peut basculer. Conscient qu'il ne peut pas l'emporter par les armes, il renonce à s'emparer du coup-papier à portée de sa main et opte pour la diplomatie. Résistant à l'envie, tentante, de défaillir sans autre forme de procès, il tente de raisonner la foule avec toute l'éloquence qui le caractérise. S'inspirant de modèles illustres tels que Martin Luther King, Malcom X et Daffy Duck, il se fend du discours le plus émouvant depuis celui de Loana le soir de son éviction du Loft (pas celui de Portes-lès-Valence, l'autre. Pour des précisions, demander à S******* D****, il se fera un plaisir d'évoquer avec vous ces souvenirs plein de nostalgie). Conquise, la foule se disperse sans esclandre, le laissant libre de se rouler en boule sous son bureau pour fondre en larmes. Le pire a été évité. Mais à quel prix ?

Depuis, à la demande de ses supérieurs hiérarchiques, une cellule de soutien psychologique a été mise en place à son usage exclusif. Cependant les blessures sont profondes et il suffit que M G*** croise ne serait-ce qu'un professeur dans le couloir pour qu'il soit saisi d'un besoin irrépressible de s'enfuir en hurlant.

Raison pour laquelle il ne vous envoie cette semaine qu'un pré-semainier incomplet, à titre purement indicatif.

(Tout ça pour dire que même les moins perspicaces d'entre vous l'auront compris, à la longue : je suis plutôt quelqu'un d'assez discret, aussi démonstratif que le bac à glaçon d'un frigidaire, mais je tenais à remercier très très chaleureusement toutes celles et ceux qui ont participé, directement ou indirectement, par mail ou de visu, à cette honteuse conspiration digne des pires épisodes d'X Files (info pour les amateurs, ils vont relancer la série). Je tenais à l'écrire, à défaut d'être capable d'utiliser ma bouche correctement. Merci mille fois, vraiment).

Bon week-end de trois jours à tous,

--


Le secrétariat de direction

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