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In the aftermath

Où l'on s'appuie laborieusement sur le courriel d'un professeur, entièrement reproduit en corps de texte, pour articuler ce nouveau message d'accompagnement, et où celui-ci ne tarde pas à virer au grand capharnaüm.



Au Collège Jean Macé, le vernis se craquelle, les langues se délient.

Suite à la publication de notre reportage-choc de la semaine dernière, vous avez été nombreux (et nombreuses !) à écrire à la rédaction pour dénoncer tel ou telle collègue (selon une enquête Ipsos-Sofres, en effet, rien ne serait plus égalitaire que la délation) ; au point qu'il nous a fallu engager un intérimaire pour traiter ce raz-de-marée de courriers inattendus (intérimaire qui a accepté avec le sourire d'être payé au lance-pierres, mais qui a commencé à faire la tête quand il a reçu ses premiers cailloux - ha, ces jeunes, tous des ingrats).

Pour des raisons bassement éditoriales, il ne nous sera pas possible de reproduire ici la totalité de ces sulfureuses missives, aussi avons-nous choisi de nous focaliser sur la participation d'une certaine Mme L*******, qui a tenu à alerter ses collègues sur plusieurs points problématiques  :

 "Pour cette semaine, je te suggère (notons que Mme L******* tutoie la rédaction, ce qui semble indiquer qu'elle a des contacts haut placés) d'évoquer le cas de M. W****, devenu cette année recordman du nombre de courriers anonymes (ou pas) adressés à un professeur. Pour le service des réclamations, c'est pas compliqué: salle A 17, 1er étage, à droite, porte jaune".

Après une enquête de terrain dans les règles de l'art (comprendre : après avoir longuement fouillé poubelles et corbeilles à papier), nos spécialistes de l'investigation ont réussi à mettre la main sur le dernier en date, entièrement rédigé à l'aide de lettres découpées dans des magazines, comme dans les films. Un document surprenant, presque touchant, qui met en lumières les difficultés inhérentes au statut de harceleur. Car non, tout n'est pas rose pour ces individus souvent mis au ban de la société pour des raisons de convenance.

"Cher M W****. Comme d'habitude, vous ne savez pas qui je suis ni d'où je vous écrit, et je sais où vous habitez et je sais le nom de vos enfants, vous connaissez le refrain par cœur, mais j'espère que vous allez bien depuis mon dernier courrier anonyme. Moi, personnellement, ça va, ce qui ne veut pas dire que si vous croisez un parent d'élève qui vous sourit, ce sera forcément moi, entendons-nous bien. Même si, bien sûr, je vous sourirais si je vous croise. Sachez que je n'ai plus rien à vous reprocher personnellement, mais comme j'ai été obligé de m'abonner un an à Wapiti, le célèbre magazine animalier, pour être sûr d'avoir assez de W à découper pour tous mes courriers de l'année, j'essaie de rentabiliser. Je vous écris donc aujourd'hui pour vous informer que ma fille, anonyme elle aussi (c'est génétique, m'a dit mon sophrologue), sera absente à votre cours vendredi (mais je ne vous dis pas lequel, lui aussi a tenu à rester anonyme), et pour vous informer que le zébu peut atteindre 130 km/h en ligne droite si le sol est en pente et s'il a le vent dans le dos. Saviez-vous également que l'alligator compte 40 dents à son actif ? Je ne sais pas pour vous mais moi, j'aurais dit plus. Depuis que je suis harceleur conventionné, j'en apprends beaucoup et ça, c'est grâce à vous, alors un grand merci, M W***. Portez-vous bien et évitez d'étendre votre linge à l'extérieur tout à l'heure car j'ai prévu un barbecue avec des amis (anonymes aussi)".


Au sujet dudit M W****, Mme L******* n'est pas avare de détails : "Ce monsieur (qui, on le sait moins, chante particulièrement faux après un verre de Tariquet) est régulièrement aperçu en compagnie d'un groupe d'individus louches, qui mangent du chocolat en salle des professeurs et répètent sans cesse des incantations étranges. Parmi eux, un certain Monsieur S****, docteur ès Céline Dion..."

Impossible, à nouveau, de ne pas s'arrêter sur cette information de première importance, puisque nous ignorions que Céline Dion était malade. Ce qui suffit à expliquer  pourquoi elle se sent obligée de hurler à tout bout de champ comme ça. Il faut la comprendre. Elle a mal, la pauvrette. Mais quelle idée, aussi, de chanter en tenue de gala sur le pont d'un bateau qui coule ? Si l'on nous permet de risquer un jugement de valeur, elle n'est quand même pas bien finaude.

Cette parenthèse refermée, il est de notre devoir journalistique de vous recommander la plus grande prudence vis-à-vis de ce M S**** ; lequel est capable, dit-on, "de vous jeter des sorts / pour que vous l'aimiez encore" (et ceci, même si dans ses danses d'autres dansent des heures, ce qui fait de lui un individu particulièrement suspect et dangereux).

On prendra cependant ces révélations avec des pincettes, cette Mme L******** étant réputée pour collecter les stylos usagés (ce qui suggère quelques connexions occultes avec les services administratifs, seuls à utiliser des stylos vides et des claviers débranchés pour donner l'impression de travailler).

Merci à elle pour sa participation, pensez à jeter un coup d’œil au semainier quand même histoire de vous donner bonne conscience, et tâchez de passer des vacances reposantes et ensoleillées !

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Le secrétariat de direction

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