Accéder au contenu principal

Retour vers le Futur Proche

Où l'on s'offre un petit voyage dans le temps (référencé), à une semaine des vacances, parce que ça ne coûte pas grand chose - et que c'est aussi bien, d'un point de vue comptable. 



Cher Marty,



J'espère qu'en dépit de la pollution atmosphérique et des fluctuations du continuum spatio-temporel qu'elle engendre, ce message te trouvera à l'heure dite du jour dit, c'est-à-dire, si mes calculs sont bons : chez toi, vendredi 9 décembre au soir, alors que tu es confortablement installé devant ton ordinateur, les pieds bien au chaud dans les chaussons-lapins que tu aimes à porter lorsque personne ne te regarde (je te rassure, ça arrive même aux meilleurs. Et puis c'est assorti à ton pyjama Winnie l'Ourson). La marge d'erreur de mes estimations n'est cependant pas négligeable, du fait du comportement capricieux des électrons en fin d'année (ils ne sont déjà pas très positifs en été, alors tu penses bien que les températures basses n'arrangent rien. Ils boivent beaucoup pour oublier le froid et par conséquent, ils sont particulièrement chargés du matin au soir). En conséquence, peut-être trouveras-tu ce message au collège lundi matin.


Si je t'écris aujourd'hui, c'est-à-dire demain, c'est-à-dire dans une semaine de ton calendrier à toi, c'est parce que j'ai mis à profit mes nombreuses heures perdues de fonctionnaire (pléonasme) pour recycler l'ancienne cafetière du bureau et la transformer en machine à voyager dans le temps (c'était ça où une porte des étoiles, mais je n'avais pas assez de trombones pour renforcer l'alliage de protection). Dans la mesure où le temps, c'est de l'argent, je pensais m'en servir pour arrondir mes fins de mois mais de toute évidence, ça ne marche pas comme ça (quelle déception).


Pour mon premier essai, je me suis fixé un objectif plus modeste que je ne le suis moi-même : j'ai programmé un bond d'une semaine et trois jours dans le futur (ici, cale mentalement un roulement de tambour pour l'effet dramatique). Or figure-toi que ce que j'y ai découvert est TERRIBLE ! (ici, cale un autre roulement de tambour, suivi d'un coup de cymbale bien senti). Raison pour laquelle je vais aller à l'encontre de tout ce qu'on peut nous enseigner au sujet du principe de causalité (genre : ne pas retourner dans le passé pour tuer notre ancêtre et voir ce qui se passe, par exemple), et t'envoyer ce message d'avertissement à rebours. Je serais volontiers revenu moi-même mais ma machine n'en est encore qu'au stade du prototype : elle ne supportera pas un autre voyage si je ne remplace pas d'abord son filtre, et si je ne lui trouve pas du pur arabica.

Alors non, je préfère te couper tout de suite, tu ne te fais pas voler ta moitié par un gros malabar, non, tes enfants ne vont pas avoir des ennuis avec la justice et/ou le pôle emploi à cause d'une course de voiture qui aura mal tourné, et non, il ne faut pas sauver l'horloge de l'hôtel de ville, j'ignore où tu es aller chercher tout ça.


Et en un sens, c'est pire encore : car figure-toi que depuis mon arrivée ici, j'ai beau arpenter le collège en long, en large et en travers, je n'y ai pas trouvé âme qui vive, pas même du côté du distributeur de barres chocolatées, ou en train d'essayer de voler des agrafes au service d'intendance pour les revendre au marché noir. Contre toutes attentes, les couloir sont déserts, obscurs, silencieux. Alors que l'endroit devrait déborder de vie, de cris, de rires et d'expression bigarrées comme les affectionnent nos chers collégiens (expressions que la bienséance me commande de ne pas citer dans ces lignes, mais dont les implications anatomiques sont souvent problématiques, scientifiquement parlant), il semble comme plongé dans un état léthargique, comme vos élèves du lundi matin après un soir de match. J'ai beau essayer de joindre l'administration, personne ne me répond (mais bon, ça, à la rigueur, pas d'inquiétude, c'est normal, c'est l'administration). Plus troublant encore : personne ne m'a signalé de problème informatique depuis plus de douze heures, maintenant. J'en déduis que quelque chose ne tourne pas rond. En plus, il n'y a plus de chauffage, et j'ai déclenché un signal sonore qui résonne en boucle (un peu comme de la musique, mais moins harmonieuse que du Christophe Maé, ce qui n'est pas peu dire), et qui semble avoir pour effet d'attirer de jolies lumières clignotantes à l'extérieur de l'établissement (ainsi que plein de pinponpins).

J'ignore, donc, ce qui va se produire entre ce soir (pour toi) et ce soir (pour moi), mais cela devrait complètement transformer nos vies pour au moins deux semaines, et notre routine quotidienne devrait s'en trouver bouleversée... Méfiance, donc. Si un individu patibulaire coiffé d'un casque en métal recyclé te donne un almanach de résultats sportifs, surtout, refuse-le et dénonce-le aux autorités compétentes.

Je compte sur toi, nom de Zeus !

Parce que j'aime autant te dire qu'ils sont en train de me passer les menottes et que c'est pas le pied !




Excellent Retour vers le Week-End à vous !

 --

Le secrétariat de direction



Bon à savoir : en réalité, si vraiment j'avais voyagé une semaine et trois jours dans le futur, je serais tombé sur moi-même en pleine activité (j'ai trois mois de paperasse à classer), puisque l'administration sera de permanence le lundi 19 décembre (pour notre plus grand bonheur à tous, vous pensez bien. Oh oui, oh oui).

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'Inclusion un point c'est tout

Où l'on reprend un peu la plume après quelques défections et messages paresseux, pour remettre les points à leur juste place, à savoi r : sur les i.   Bonsoir à tous, Au risque de vous choquer et en complément du planning ci-joint, figurez-vous qu'en 2024, aussi ubuesque que cela paraisse, il y a encore des gens qui utilisent l'écriture inclusive. Je sais. Moi aussi, ça m'a surpris, quand j'ai lu cette semaine " chef.fe.s " dans un mail rectoral, avant de courir me laver les yeux au gel hydroalcoolique (ça tombe bien, il en reste plein) (par contre, je comprends maintenant pourquoi mes parents m'ont appris que ce n'est pas bien de se rincer l’œil. En tout cas, je confirme que c'est très douloureux). Innocemment, quand les gourous de la socio ont lancé la mouvance pour se détendre entre deux ventes pyramidales (et sur le même principe), je m'étais dit : " bon, ok, c&#

It's the End of the Semainier as we know it (and I feel fine)

Où les conséquences (inattendues) du message de la semaine dernière nous contraignent à faire notre mea culpa et à mettre un terme à cette belle aventure. Bonsoir à tous, Comme attendu, vous trouverez ci-joint le planning (dense – mais sans les loups) de la semaine prochaine. Attention si vous prévoyez de l'imprimer : veillez à prévoir une ramette pleine et quatre cartouches de rechange (au moins). Et réservez un arpent de forêt Amazonienne pour parer à toute éventualité, tant qu'il en reste encore. * Concernant le message d'accompagnement, j'avais initialement prévu un briefing pour l'oral de DNB façon l' Ecole des Fans , avec une très belle imitation de Jacques Martin (y compris au niveau de l'abdomen), mais on a porté à mon attention cette semaine (à juste titre et avec beaucoup de bienveillance , c'était de circonstance) que les messages d'accompagnement en q

Coming Out

Où la triste actualité de ces dernières semaines a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase trop plein depuis longtemps, et où on troque l'humour contre le cri du coeur, quitte à se dévoiler plus qu'on ne le devrait.      Je me souviens d'Annecy, un autre, il y a longtemps. De la lumière, partout, surtout, du vert, du bleu, intenses, éblouissants, dans le ciel et la terre entre les montagnes et dans l'onde et sur le dos de l'herbe qui frissonne et les ronds qui clapotent en chœur parmi les vagues et le sillage des pédalos. Je m'y suis brûlé la rétine à force, brûlé les poumons d'inspirer trop fort, gavé de couchers de soleil jusqu'à vomir des arc-en-ciels. Je me souviens le vent. Je me souviens les voix, les rires sur les bateaux, ivres d'un éternel parfum de printemps couleur d'apéro en terrasse. Annecy, mes premières bouffées d'air. Mes premiers pleurs. Mes premiers cris