La haine du CPE à mon égard ne cessant visiblement de croître, le thème du message de ce soir est, je cite : "tu sais, des fois, on marche au bord de la route et on trouve une chaussure, toute seule, dont on ne sait pas d'où elle vient... Eh ben ce sera ton thème de cette semaine". J'ai appelé les Prud'hommes, mon dossier passera à la prochaine commission.
J'ai un aveu à vous faire.
Cette semaine, l'espace d'une seconde, j'ai été tenté de ne pas vous envoyer le semainier. Comme ça, sur un coup de tête. Je finissais d'assortir les couleurs des lignes, de manière à leur donner l'apparence d'un coucher de soleil impressionniste quand soudain, une pensée me frappa, aussi sûrement que la cravache du contremaître quand je rechigne à taper mes quatre mails journaliers.
"A quoi bon ?", me suis-je demandé tout à coup.
Et soudain tout s'est effondré en moi, comme si ma détermination avait été construite sur des sables mouvants au-dessus d'une nappe phréatique en zone inondable par un architecte des Maisons Phénix peu porté sur les normes de sécurités en vigueur au sein de la communauté européenne (en jargon de la profession, on appelle ça un artiste. En jargon de client, on appelle son avocat. En jargon de geek, on appelle ça "l'illusion du Phénix", mais il n'y a que Luc qui la comprendra, celle-là).
Hamlet avait peut-être beaucoup de qualités (on se souviendra tous de sa proposition originale à l'issue du projet pédagogique ciblé "tous en scène au collège") mais il avait tort sur un point fondamental :
"A quoi bon ?", là est la (vraie) question.
Oui, à quoi bon se projeter dans la semaine prochaine, quand cette dernière se projettera elle-même sur nous bien assez tôt ?
A quoi bon hésiter entre un fond céladon et un fond magenta pour annoncer une sortie à la MJC dont tout ce qui subsistera, d'ici quelques semaines, se résumera à un rapport d'incident et une facture de bus trop chère de vingt euros ?
A quoi bon annoncer, énoncer, dénoncer, alors qu'il suffit juste de renoncer ?
ça a duré le temps d'un battement de paupières (soit près de trois heures trente, chez moi - rappelons-le, je suis fonctionnaire). Et puis c'est passé, comme un projet de loi à trois heures du matin.
Au cinquième "à quoi bon ?" résonnant sous mon crâne comme un tocsin funeste, la réponse s'est imposée à moi. Tout à coup, j'ai vu votre visage, en gros plan, et après vous avoir mentalement hurlé de reculer un peu, tout a fait sens à nouveau.
Car que seriez-vous, sans votre semainier du vendredi soir ?
Un Dupond sans le pont de l'ascension ?
Un Laurel sans Françoise Hardy ?
Un Roméo sans son alpha ?
Une margarine sans ses oméga 3 ?
Une Alexandrie sans son alexandra ?
Un Barracuda sans son appétit ?
(Hahaaaaaaaaa !)
Un chapi sans son chapeau ?
Un Batman sans son psy ?
Une main sans son poil ?
Une de ces chaussures solitaires qu'on trouve parfois en bordure de route, à la faveur d'une randonnée en rangs d'oignons, et dont on se demande longtemps ce qu'elle pouvait faire là et où est sa jumelle (quêtant Cendrillon du regard, en vain) ?
Alors voilà. Fort de ces considérations et de cette conviction nouvelle, je vous transmets ci-joint le planning de la semaine à venir sans lequel, je le crois, vous seriez incomplet. Oh, pas beaucoup, c'est sûr. Mais quand même un tout petit peu.
Vous souhaitant un week-end sans trop de crises existentielles,
--
Le secrétaire de direction
Commentaires
Enregistrer un commentaire