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Non mais t'es sérieux, là ?


Bon alors le semainier de ce soir, n'y allons pas par quatre chemins, c'est un peu le bazar. Plus que d'habitude, je veux dire. Le CPE voulait que je place une référence aux Oscars, une professeure d'ULIS a cru bon de me demander de placer en sus "la Reine des Neige", "Chacha" et "faux et usage de faux" (ha mais merci du cadeau !), et comme si ça ne suffisait pas, je me suis mis en tête d'écrire quelque chose d'un peu didactique suite à certains propos blessants qui ont été tenus en salle des profs... ha non mais y'a des jours, faut vraiment aimer le challenge et ne pas avoir envie de rentrer chez soi avant la nuit...




Madame, Monsieur,


Comme attendu, veuillez trouver ci-joint le planning de la semaine prochaine.


Vous en souhaitant bonne réception, et restant à votre disposition pour tout renseignement complémentaire,

Bien cordialement,

--

Le secrétaire de Direction*




*Après mûre réflexion, il nous est apparu que le sérieux inhérent à la fonction de secrétaire de Direction était incompatible avec les fantaisies que nous vous adressions à chaque fin de semaine. En conséquence de quoi avons-nous décidé de revenir à une forme plus conventionnelle, conforme aux attentes de l'institution et de ceux qui y travaillent. Après tout, nous sommes entre adultes (et même, entre professionnels !), comportons-nous comme tel, moi le premier.


L'humour, les digressions, les double-sens, c'est terminé. ça ne fait pas sérieux.


Et notez bien l'emploi du verbe "faire", ici, plutôt celui du verbe "être", ça n'a rien d'anodin.


Parce qu'être sérieux de nos jours, ça n'intéresse personne, c'est contraignant et puis ça ne se voit pas forcément alors du coup, les autres gens, ils ne défilent pas devant vous en s'exclamant la bouche en chœur "waouuu, qu'est-ce que tu es sérieux !" avec des yeux de husky pris dans les phares. Alors que quand on fait sérieux, c'est tout le contraire, on peut bien partir en vrille dans sa tête comme si on avait Arielle Dombasles en duplex et gérer la vie comme les dernières secondes d'un concours hippique clandestin, il suffira d'un froncement de sourcils un peu affecté, d'un index sentencieux levé au bon moment, de quelques mots compliqués qu'on ne comprend pas glissés (sciemment) dans le coin d'une phrase innocente et l'on s'assure un concert de louanges en dolby surround THX avec les sièges qui vibrent comme au Pathé.


Alors quand de surcroît, on se prend au sérieux, c'est l'apothéose.  Un costume trois-pièces, un air supérieur, un abonnement aux Inrockuptibles et le tour est joué, pour un peu on s'y laisserait prendre.
Au sérieux.


Mais sérieusement, de vous à moi, est-ce que pour "être sérieux", il faut forcément "se prendre au sérieux" ?


Et est-ce que "faire sérieux" implique forcément que l'on "est sérieux" ?


Et d'ailleurs, à quoi bon avoir l'air sérieux dès lors qu'on l'est ?


Et se prendre au sérieux, quand on a l'air sérieux mais qu'on n'est pas sérieux, est-ce que c'est bien sérieux ?


Bon, je vois que je vous perds alors prenons un exemple pas nécessairement sérieux (toutes mes excuses) : Superman. Est-ce que quand il a l'air de Clark Kent, il cesse d'être Superman ? Et est-ce que parce qu'il porte une paire de lunettes et parce qu'il courtise cette pimbêche arriviste de Loïs Lane (alors que Lana Lang est tellement plus jolie !), il cesse d'être un super héros à l'intérieur ? Ben non. Superman, il n'est pas Superman parce qu'il s'habille en rouge et bleu et parce qu'il porte son slip par-dessus ses collants (au contraire, même, je serais tenté de dire que c'est rédhibitoire). Superman, ça reste Superman, peu importe la façon dont il s'habille, et il pourrait bien porter des fleurs en papier dans les cheveux que ça n'y changerait rien.


On pourrait renverser la chose, d'ailleurs : dès lors qu'on est sérieux, est-ce qu'on a vraiment besoin d'avoir l'air sérieux ou de se prendre au sérieux ?


Parce que le temps qu'on passe à avoir l'air sérieux, c'est du temps qu'on n'a plus pour être sérieux. Et ça, ce n'est pas très sérieux non plus.


C'est vrai, quoi. On n'a pas besoin d'"avoir l'air", dès lors qu'on "est". Descartes a écrit "je pense donc je suis". Pas "je pense donc j'ai l'air".


Prenez Dracula, s'il vous faut un autre exemple pas sérieux. Dracula, bon, c'est un vampire, ça ne vous aura pas échappé. Du coup, est-ce que ça aurait le moindre sens s'il se déguisait en vampire à Halloween ? Ben non. Ce serait complètement idiot (ou bien ce serait de sa part une prise de position ironique, à tendance subversive, visant à dénoncer l'arbitraire des carcans dans lesquels la société nous enferme - mais c'est pas trop le genre du bonhomme, il a plus de mordant que ça).


Parce que c'est bien de ça qu'il s'agit, au fond : "'avoir l'air", c'est se déguiser. Et on ne se déguise qu'en ce que l'on n'est pas.


Dès lors, ne devrait-on pas au contraire se méfier des gens qui ont l'air sérieux, et plus encore de ceux qui se prennent au sérieux (et il y en a qui font ça tellement bien qu'ils mériteraient un oscar pour leur prestation) ?


Est-ce qu'on ne devrait pas rassembler tous ces individus dans une pièce et porter plainte contre eux pour "faux et usage de faux" ? Parce qu'il sont faux, et ils en font usage, je n'ai rien inventé.

Et puis regardez-moi (enfin, pas trop non plus si vous ne voulez pas vous couper l'appétit) : tous les vendredis soirs, je fais super bien la Reine des Neiges : avec une perruque blonde et une robe à paillette taille 72, on jurerait la vraie, surtout quand je me met à entonner "Libérée Délivrée" sur un air de chacha. Seulement je ne suis pas la reine des neige ! J'ai beau en avoir l'air, et parfois même me prendre pour elle, j'ai toujours besoin d'un congélateur pour conserver mes aliments au frais, et d'une paire de patins et du numéro des pompiers quand je vais à la patinoire. Au fond de moi, je le sais bien. Je ne parle pas aux bonhommes de neige. Je ne jette pas des glaçons sur les personnes qui me regardent de travers. Parce que je sais faire la différence entre l'être et le paraître.


Moralité : le sérieux, c'est un peu comme les frites Mac Cain. Ce sont ceux qui en parlent le plus qui en mangent le moins.


Gardons-nous par conséquent d'"avoir l'air" et employons-nous à "être" sans modération.



Vous souhaitant un week-end foufou, et tant pis pour les costumes trois-pièces,



Bien sérieusement,

--

Le secrétaire de direction

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