Où le message du semainier est la suite directe de ce qui vient avant, ce qui est étonnement logique pour un vendredi après-midi. Et où, par conséquent, n'aura une vague chance de comprendre que ceux qui auront lu la publication précédente. A bon entendeur...
Jour à tous (ou Soir, suivant l'heure à laquelle vous prendrez connaissance de ce message).
Je n'ose pas écrire "bon" devant, je m'en voudrais de vous
mentir, encore que cette culpabilité me hanterait fort peu - et
plus comme Casper que comme Zoul, pour les experts en sciences
occultes.
Comme attendu avec une fébrilité modérée, je vous transfère
ci-joint le planning de la semaine prochaine, que je devrais vous
vendre à coups de périphrases grandiloquentes telles que "avec le
semainier, les réceptions de l'ambassadeur sont toujours un
succès" ou "il arrive toujours au bon moment, mais sans son pain
ni ses croissants, parce que c'est pas l’armée du salut non plus,
oh, tu l'as pris pour qui, l'ami semainier ? !".
Je devrais vous le peindre comme un tableau impressionniste
accroché à l'envers par un galeriste indélicat, vous dire qu'il
s'agit d'une tablette mystique trouvée au fond d'une pyramide
Inca, qui vous permettra à l'heure près de prédire le déroulement
des sept prochains jours ; toutes les âneries que j'ai pris
l'habitude d'écrire chaque vendredi depuis plus de six ans et que
vous supportez avec la bienveillance de qui sait reconnaître une
cause désespérée et s'en tenir à distance respectable (c'est le
métier qui parle).
Seulement voilà. Finie la fantaisie. Finis les faux-semblants. Le
semainier n'est qu'un vulgaire fichier excel, réduit à sa plus
simple expression, dont les couleurs criardes, associées sans goût
ni talent, rappellent le maquillage de toutes les petites filles
lors de leur première boum, quand elles étalent le blush à la
moissonneuse-batteuse et tartinent le rimmel au couteau Nutella. Aucune finesse, aucune nuance, aucune sobriété - et sûrement pas
la mienne, qui boit pour oublier - que j'ai oublié de boire, la
plupart du temps.
Car aujourd'hui, je ne me voile plus la face. Je sais que le
semainier est hideux, difforme et maladroit, comme s'il renvoyait
mon reflet avec les intérêts, digne d'une activité périscolaire
dans un centre aéré pour cul-de-jatte des deux bras.
En le finalisant, cette fois, je n'ai rien ressenti de la fougue
qui m'habite habituellement, semblable à celle que Michel Ange a
lui-même éprouvé quand il a finalisé le plafond de la chapelle
sixtine et qu'il a décidé, au tout dernier moment, "que ça aurait
quand même plus de gueule en remplaçant les pandas par des êtres
humains" (personnellement, je ne suis pas convaincu, mais c'est
lui que ça regarde).
Tout ce que ce document m'a inspiré, ce soir, tient de l'ennui et
de l'indifférence, comme s'il était diffusé sur Arté mais sans les
sous-titrages.
Par conséquent, je ne vous souhaiterai pas non plus un bon week-end parce que qu'est-ce qu'un week-end, au fond, si ce n'est un misérable petit tas de jours (j'épouse celui ou celle qui aura la référence), une poignée d'heures plus vite passées que le temps des cerises (et dont ne reste trop vite que le noyau), en grande partie consacrées à passer l'aspirateur et à rembobinez le fil de la prise à la main parce que le bouton ne fonctionne plus qu'à moitié. Rien de bien exaltant.
Alors je soupire en fixant le mur devant moi, qui ne m'inspire
lui aussi que de la mélancolie. Car qu'est-ce qu'un mur, donc, si
ce n'est un misérable petit tas de briques ? (ou de bouts de
carton assemblés au scotch double-face, dans le cas du collège,
mais chut ! L'architecte nous en voudrait de dévoiler ses secrets
de fabrications ! Et en même temps, évitez de vous appuyer trop
fort aux parois de votre salle, un accident est si vite arrivé)
(après, c'est moi qui remplis les formulaires et les renvoie au
rectorat...).
Sur mon bureau, dans un cadre fantaisie décoré de marguerites :
la photo d'un Snickers, allongé sur une serviette de plage, ses
formes généreuses mises en valeur par un bikini comestible
emprunté à Lady Gaga.
Dessus, j'ai dessiné trois coeurs au stabilo rose.
Et j'ai ajouté la mention "si tu reviens, j'annule tout".
Je vous avais bien dit dans mon mail d'hier que "tout me
paraîtrait fade, après le coup du Snickers".
Et si vous ne l'avez pas lu, j'ai envie de dire : c'est tant pis pour vous.
Vous souhaitant un week-end,
De façon très vaguement cordiale,
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