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J'ai rendez-vous avec vous

 Où les semainiers se suivent et se ressemblent, question  densité. Et où c'est un sujet qui en vaut bien un autre, à force.


Bonsoir à tous,


Beaucoup de rendez-vous programmés la semaine prochaine, le planning ci-joint en atteste. 

On sent que les conseils de classes sont terminés, et que les premiers effets du manque commencent à se faire sentir chez les plus accrocs d'entre vous : il suffit d'une salle vide, d'une porte entrebâillée, d'un parents d'élève de passage, d'un élève de pas sage (aussi), d'un collègue à cadrer qu'on n'a jamais pu encadrer ou d'un démarcheur Tuperware (quand aucun des trois premiers ne sont disponibles) et les voilà déjà cloîtrés à triple tour à envisager des prospectives à moyenne échéance (exemple : "quand est-ce qu'on mange ?"), développer une synergie de moyens mutualisés (exemple : "j'ai laissé mes couverts chez moi, tu me prêtes ta fourchette dans le respect des gestes barrière ?"), mettre en place des stratégies d'évitement multi-référentielles (exemple : "je ne peux pas, je l'ai laissé plantée dans la cuisse de Dylan en 5ème5, dans le respect des gestes barrière aussi,  il imitait une poule en cours de Maths et j'avais un petit creux, le coup est parti tout seul") ou tout ce qu'on peut faire dans le secret de ces moments où je ne suis jamais invité. C'est plus fort qu'eux : il leur faut à tout prix leur dose de claustration quotidienne, leur pic d'adrénaline en petit comité, respirer de l'air confiné, bronzer sous les néons, rester des heures assis sur une vieilles chaise en bois jusqu'à ce que leurs muscles fessiers les lâchent sans préavis. Et je ne juge pas, hein. Le week-end, je massicote des vieux journaux et je me fais des lignes de blanc correcteur, pour oublier qu'on m'a confisqué mes pots de colle Cleopatra.

D'autant que ça peut être très romanesque, un rendez-vous, ne soyons pas bégueule (et à plus forte raison parce que plus personne n'utilise cette expression depuis le XVIème siècle). Il y en a pour tous les goûts : qu'ils soient d'affaire, en terre inconnue, ni faits ni à faire, en terrain connu, professionnels, amicaux, amoureux, galants, galeux - gallois, même, pourquoi pas ; et j'ai failli pousser jusqu'à l'allusion à France Gall avant que sa page Wikipédia ne m'en dissuade vigoureusement.

Alors qu'une réunion ? Tout est dans le mot, déjà. Triste, terne. Moche. On sait qu'il ne s'y passera rien d'intéressant, tout le monde va faire la tronche, certains vont jouer au SuDoKu sur leurs portables en faisant mine de prendre des notes (Monsieur le CPE fait ça à chaque Conseil d'Administration et personne ne l'a encore pris sur le fait, il a bientôt complété le premier carré, bravo à lui), le café sera froid comme le cœur des participants, filtré dans une authentique chaussette d'occasion fournie (à contrecœur) par le service Intendance ("ET ELLE S'APPELLE REVIENS ! TU SAIS COMBIEN CA COÛTE, UNE CHAUSSETTE, EN 2022 ? !"), on va commencer par un tour de table qui va durer entre vingt minutes et quatre jours, selon l'enthousiasme de chacun, les gens vont s’écharper pour des points de détail qui n'ont aucun rapport avec l'ordre du jour qu'ils auront perdu de vue entre leur arrivée et le premier "bonjour", et à la fin, tout le monde repartira moins éclairé sur le sujet qu'ils ne l'étaient en arrivant. On a tous vécu ça.

Mais un rendez-vous ?

Tout est possible, en rendez-vous !

On peut découvrir l'autre, se découvrir soi, découvrir que finalement, c'est pas si mal, les réunions, en fait, et que Sartre n'a pas dit que des bêtises, quand on y réfléchit !

Moi-même, je me rappelle avec beaucoup d'émotion ce jour où j'ai commandé Rendez-vous avec Rama à mon libraire, convaincu qu'il s'agissait d'un roman Harlequin racontant la belle et très crédible histoire d'amour entre un petit secrétaire de province sans histoire et Rama Yade, mon homme politique préféré - à plus forte raison parce que c'est une femme, et qu'elle a un meilleur rendement photocopie que les deux machines de la salle des profs (avec cela de plus charmant qu'elle ne fait pas couic-couic en permanence). Imaginez ma déception quand j'ai découvert que l'intégralité du roman se passait dans un vaisseau spatial à la dérive, et qu'il ne s'agissait même pas d'une allégorie politique un peu grinçante. 

Bref. Dans un autre registre, notez que la semaine prochaine sera celle de la persévérance scolaire, ce qui est assez ironique quand on sait qu'aujourd'hui, c'était le jour de la procrastination. Sans doute les gens grassement payés pour inventer ce genre de choses (et on dit qu'il n'y a pas de sot métier !) auraient-ils été plus inspirés d'inverser les deux, c'eut été plus en adéquations avec la réalité. Enfin. Ils ont eu la lucidité de l'organiser la semaine du premier avril, c'est toujours ça à porter à leur crédit.


Vous souhaitant un excellent week-end,


Bien cordialement,

-- 
 
Le secrétaire de direction

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