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Macho mucho man !

 Où Monsieur le Chef d'établissement nous apprend qu'il va muter à la rentrée, et où ça fait un peu un choc à tout le monde.

 

Bonsoir à tous et veuillez trouver ci-joint le planning de la semaine prochaine.

Voilà. ça, c'est fait. Maintenant on peut parler des choses sérieuses.

Car la nouvelle, ce matin, a fait l'effet d'une bombe ; et je pèse d'autant plus mes mots que certains sont à proscrire,  dans l'Education Nationale, en contexte Vigipirate renforcé (toutes mes excuses aux valeureux héros qui gèrent les filtres de messagerie au rectorat, et qui finiront tous en invalidité à trente ans). Ainsi ne peut-on plus s'exclamer, par exemple : "tema le nana là-bas, c'est une vraie bombe !", mais doit-on plutôt dire "aide-moi, mon bon ami, j'ai un problème avec ma masculinité toxique, connais-tu l'adresse d'un bon psychothérapeute qui pourrait m'aider à entrer dans le XXIème siècle ? !". Ou, à la rigueur - expression dont je n'ai appris que tout récemment l'existence : "tema, la nana là-bas, c'est un avion de chasse !". Expression dont la portée métaphorique me laisse perplexe car au risque de choquer les professeurs en charge de la section aéronautique, je n'ai jamais éprouvé ne serait-ce qu'un début de sentiment amoureux pour un Rafale ou un MIG 29, et pourtant je suis un cœur d’artichaut, j'ai même été amoureux d'un ministre de l'Education Nationale (je vous laisse deviner laquelle pour ne pas tuer le mystère). Éventuellement, oui, je pourrais envisager d'avoir une aventure avec un Lockheed F-117 Nighthawk, s'il me paie un menu XL au Burger King et si j'ai droit de prendre des petites boulettes au fromage fondu. La chair est faible, dit-on.

Mais trêve de digression ! Je m'égare, là où je devrais mes aéroports (attention, elle est raide, celle-là, pour un vendredi soir) !

De masculinité toxique, c'est bien de cela dont il est question ce soir car on y était presque, bon sang ! Avec tout le respect que je dois à Madame la Secrétaire d'Intendance et à Mme la Principale adjointe, à deux mutations près, on l'avait, notre bureau 100% masculin ! On aurait pu passer nos après-midi en shorts et en marcels, à parler de football en sirotant des bières ! Je m'y serais mis exprès ! On se serait fait tous les jours des apéros merguez en écoutant des sketch de Jean-Marie Bigard, tout en laissant échapper de profonds rires de gorge à la façon des australopithèques, au point qu'on aurait pu nous prendre pour des élèves de 3ème ! C'est dire si j'étais prêt à faire des concessions ! On serait venu en Golf GTI tunées en écoutant du K-maro ! On aurait acheté trois exemplaires de son CD, ça aurait relancé sa carrière ! Sur mon pare-brise, j'aurais collé un auto-collant : "Attention : beau gosse à bord / il est ligoté dans le coffre" ! On aurait soulevé de la fonte ! Des haltères pour mon collègue de bureau et Monsieur le Gestionnaire ! L'agrafeuse pour moi ! On se serait échangé des DVDs pirates de Benny Hill sous le manteau - voire, pour ceux d'entre nous qui auraient cherché des sensations plus fortes... des VHS Secam de Cocoricocoboy (ne cherchez pas. Si vous avez moins de quarante ans, vous ne saurez pas de quoi je te cause) ! ça aurait senti la testostérone dès l'entrée de la ville, à tel point qu'on aurait été obligé de rebaptiser l'établissement "Collège Sébastien Chabal torse nu". Et voilà que ce beau rêve s'effondre sur ses bases, à deux doigts de la victoire, comme Neymar un soir de finale. Si près ! Si près du but !

Au lieu de quoi va-t-il falloir que nous retrouvions nos manières de gentlemen, qui doivent être rangées dans l'armoire des trucs dont on ne sait pas trop à quoi ils servent mais que Madame l'ex-Gestionnaire avait gardé quand même "au cas où", avec les Windows 95 encore sous blister, les codes pour se connecter au site Minitel de l'établissement ou mon contrat de travail. On devra se laver tous les jours et porter des vêtements propres, et faire semblant de rire en écoutant Murielle Robin. Fichue égalité des sexes. Ne vois-tu pas ce que tu nous fais endurer ?

Plus sérieusement, parce que l'heure est grave, l'intéressé ne manquera pas de le répéter : nul n'est irremplaçable. Par exemple, si je devais m'en aller à mon tour vers d'autres horizons, je sais qu'il y a des chimpanzés au Zoo de Vincennes qui seraient ravis d'obtenir le poste, et qui seraient plus performants que moi. Dans la mesure où ils sont capables de décortiquer une cacahuète à main nue, ils seraient même surqualifiés. D'un autre côté, difficile de remplacer quelqu'un dont personne ne sait en quoi consiste son travail, lui le premier, ce qui fait du secrétariat de direction un poste d'autant plus stratégique.

En ce qui me concerne, en apprenant la nouvelle ce matin, qui m'a fait l'effet d'un avion de chasse, je ne vais pas vous mentir, j'ai ressenti le même vide intérieur que quand Robbie Williams a quitté les Take That. Il n'était pas irremplaçable non plus mais c'était le plus beau, le plus rebelle, celui qui ressemblait le plus à un Lockheed F-117 ; et les Take That n'ont plus jamais été les mêmes sans lui. Moi, en tout cas, de dépit, j'avais décroché tous les posters du groupe de ma chambre. J'y avais mis ceux de Monsieur le Principal à la place, ça avait comblé le vide un temps. Et voilà que je vais devoir les enlever à leur tour. Pour mettre qui à la place ?

Personne n'est irremplaçable, c'est vrai.

Mais les murs de ma chambre ne seront plus tout à fait les mêmes, à l'avenir.

Ni moi, ni le collège non plus.


...mais ainsi en va-t-il des chaises musicales rectorales, et des aspirations professionnelles de chacun. Réjouissons-nous pour lui d'avoir obtenu l'affectation souhaitée, félicitons-le comme il se doit pour ce nouveau départ et préparons-nous à tout mettre en œuvre pour empêcher le secrétaire élève de partir dans la foulée ! AU NOM DE LA MASCULINITÉ TOXIQUE !


Vous souhaitant un week-end ni trop l'un, ni trop l'autre, car en toutes bonnes choses il faut savoir garder mesure,

Bien cordialement,

-- 
 
Le secrétaire de direction

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