Où après trop de véhémence, la semaine dernière, une nouvelle semaine à assumer un double poste amène son lot de mea culpa.
Bonsoir à toutes et tous car oui, le soir est bon, le soir est doux, les oiseaux chantent, vous êtes tous beaux, je vous aime sans réserve !
J'aime le collège, j'aime le travail, j'aime les mandatements administratifs, j'aime la nouvelle sonnerie, j'aime les cris des élèves, qui sont musique à mes oreilles (une sorte de Dark Metal chanté par des Chipmunk, mais hé ! C'est un concept...), j'aime les comptes pronotes, j'aime les coupons de bourse, j'aime les circulaires, j'aime ma fonction, de façon certes très platonique et sans transports émotionnels ("vas donc, je ne te hais point !" disais-je ce matin encore à mon contrat de travail), je ne suis, vous l'aurez compris, qu'amour et bienveillance envers mon prochain, ma prochaine et tous ceux qui viennent après (prenez un ticket). Et je vous remercie chaleureusement car vous avez été nombreux à faire remonter mon message de la semaine dernière aux autorités rectorales, lesquelles ont eu la gentillesse de m'envoyer un psychologue commis d'office, le médecin du travail, un avocat, des huissiers de justice, grâce auxquels j'ai pu obtenir ces petites pilules roses et bleues qui ont chassé mes idées noires et eu raison de mon mauvais esprit !
Je réalise après coup combien j'ai été dur, et injuste, envers,
entre autres et sans caractère limitatif : les Ardéchois, les
Drômois, les parents, les élèves, l'administration, mes collègues,
ma famille, Jul, le point d'indice, Philippe Bouvard, les êtres
humains, les choux de Bruxelles, les Anneaux de Pouvoir et moi-même. Je ne me vois plus "moche",
d'ailleurs, mais "physiquement aventureux". Et ça change
tout !
Plus rien ne m'affecte, plus rien ne me fâche.
On m'a volé ma belle paire de ciseaux rouge et mon coupe-papier
cette semaine ? Pas graaaaaave ! ça me fera une excuse pour en
faire ENCORE MOINS, holala. Si quelqu'un parmi vous veut découper
tout son saoul jusqu'à ce qu'épuisement s'ensuive, qu'il le fasse,
il a ma bénédiction ! S'il n'y a que ça pour lui faire plaisir,
ça me fait plaisir aussi !
Les coupons de bourse ne sont pas rendus dans l'ordre alphabétique ? Pas graaaaaaave ! L'ordre alphabétique, ça intéresse qui, encore, en 2022 ? L'ancien moi aurait même ajouté que l'alphabet était discriminant envers les Ardéchois mais c'est fini tout ça ! J'ai été un vilain garçon et je fais amende honorable ! C'était la dépression et le surmenage qui parlaient à travers moi. Grâce aux efforts conjoints de la chimie et des majors pharmaceutiques, que j'aime aussi de tout mon cœur et qui n'ont que mon bien-être à l'esprit, je suis un homme nouveau. A ma fenêtre, les rouge-gorges chantent, les moineaux dansent, leur plumage dégoulinent de coloris fluos (assorties au semainier joint et aux bonbons Haribo qui traînent sur la table), les étincelles pétillent dans l'air, les yeux des lapins au pied de ma chaise me font comme des appels de phares, les souris sortent des murs en file indienne (pardon : natives américaines) et chantonnent en alexandrins, tout en m'aidant à classer mes dossiers directement à la poubelle (contrairement au panda qui, lui, n'a rien fichu en deux semaines, à tel point qu'au comble de son inaction, on aurait dit l'ancien moi). En plus, avec la perspective du retour de mon collègue lundi, terminé le burn-out, je me sens comme, je ne sais pas... une princesse Disney, oui, voilà ! Grâce aux pilules magiques, je suis une princesse Disney, à présent, et je le prouve :
(avant de cliquer,
assurez-vous tout de même que vous êtes bien couverts par la MGEN,
y compris pour les dégâts des eaux).
Aussi, je peux le crier haut et fort en lançant les coupons de
bourse partout dans le bureau : l'ordre alphabétique n'est qu'un
honteux vestige du patriarcat ! Plus personne ne veut de ça
aujourd'hui ! Je propose qu'on le remplace par des compétences, ou
un code couleur, ou au moins qu'on classe plutôt les prénoms par
grandes familles étymologiques, histoire de différencier ceux qui
viennent de Games of Throne (ceux avec les Y, les H, et les
apostrophes, comme Mylliyanah-Elyannah-de-Melniboné ou Sire
Loeric-Pourfendragon, pour ne citer que les plus usités), ceux des
séries américaines des années 90 (Brendon, Brenda, Brandy,
Brangelina, Branlebadecomba, tous tristement passés de mode), ceux
tirés de jeux vidéo (Mario, Luigi, Tortu-Ningeat) et ceux qui
n'ont d'autre finalité que de valoir mot compte triple au scrabble
(mais si, vous savez bien, ces fichus mots dont personne ne sait
ce qu'ils veulent dire, pas même ceux qui les posent, mais qui "sont
dans le dictionnaire, si, si, t'as qu'à vérifier")... et
après, on se demande pourquoi il y a davantage de dyslexiques et
de dysorthographiques chaque année (Dysorthographique, tenez, ça
ferait un joli prénom, ça. Si un jour j'ai une fille, je
l’appellerai comme ça. Et si c'est un garçon, je l’appellerai "Référentiel
bondissant", ça lui ira comme un gant), mais quand déjà, dès
la maternelle, tu dois galérer pour te souvenir de la place du y,
du h et de l'apostrophe dans ton prénom, tu pars avec un gros
handicap dans ta vie (une petite pensée au passage pour les
auteurs de Fantasy qui vont avoir beaucoup de mal à trouver des
noms "exotiques" pour leurs héros dans les années qui
viennent, à moins de prendre le parti-pris inverse et de les
appeler Robert ou Gudule. Après, bon, Robert le barbare, ça sonne
moyen, mais il devrait y avoir un public malgré tout, au moins en
France).
Mais las ! Je sens que le mauvais esprit revient, vous auriez dû
m'interrompre, enfin, allez, je reprends deux pilules à titre
préventif. Hop là. Au goût, je dirais Mangue-Papaye-Aluminium. Y'a
un petit goût.
Et je veux dire, même les élèves, j'ai été dur avec eux, j'ai pu écrire par le passé qu'ils étaient bruyants et que leurs résultats n'étaient pas forcément toujours à la hauteur de ce qu'on serait en droit d'attendre d'eux (vilain Laurent joufflu !) mais je les vois différemment, maintenant (avec les yeux ouverts, déjà, ça change la vie, même si ça fait bizarre les premiers temps). Car on n'apprend pas aux poissons à grimper aux arbres, je l'ai lu sur internet. Je n'ai pas bien compris le rapport parce que nos élèves n'ont pas de branchies et qu'ils ne savent pas tous nager non plus, d'autant que moi aussi, je ne sais pas grimper aux arbres, mais je sais désormais que s'ils ne veulent pas aller à l'école, ce n'est pas parce que n'importe qui d'un peu censé préfèrerait rester sous sa couette à jouer à Fortnite plutôt que de se mettre un coup de chaussure au derrière pour aller s'enfermer des heures dans une salle de classe, mais parce qu'ils souffrent d'un trouble de l'opposition (tm). Si vous ne me voyez pas lundi à 8 heures, ne vous posez pas de question. De même, si leurs résultats ne sont pas toujours bons, pour faire dans la litote, ce n'est pas parce qu'ils ne travaillent pas assez, mais parce qu'ils ont un Haut Potentiel Emotionnel (tm) qui les empêchent de s'intégrer dans le cadre sclérosant de l'Education Nationale. Si je ne suis toujours pas là lundi à 8h10, vous saurez quoi penser. Mais bon, grâce à mes nouvelles meilleures amies les pilules, je compatis. A tout. Tout le temps. Par tous les temps.
Mon cœur n'est plus que bienveillance. Au moins jusqu'au lundi en
question.
Vous souhaitant un week-end euphorisant (bien que pluvieux, si
vous avez cliqué sur le lien Youtube),
Bienveillamment vôtre,
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