Où une nouvelle semaine TRES dense se termine sur un fait divers consternant, m'offrant là l'occasion de tirer un trait sur mes errements de la semaine dernière.
Bonsoir à tous et avant toute chose, prenez une grande
inspiration, puis une autre, et encore une, c'est la maison qui
régale (n'oubliez toutefois pas d'expirer entre deux si vous ne
voulez pas passer le week-end aux urgences).
En effet, vos craintes ne sont pas fondées, vous pouvez poursuivre la
lecture de ce message l'esprit tranquille (quand je dis que vos
craintes ne sont pas fondées, que ce soit clair : je parle de
celles que vous auriez pu éprouver à l'idée de m'entendre
"chanter" à nouveau - désolé, il n'y a pas de verbe dans le
vocabulaire humain qui pourrait traduire l'abomination que j'ai
commise la semaine dernière -, pas de vos craintes comme quoi la
terre pourrait être creuse et habitée par des lutins qui
gouverneraient le monde en cachette. Ces craintes-là sont tout à
fait fondées, elles).
Car je sais que vous avez ouvert ce courriel d'un clic tremblant
(environ 8 sur l'échelle de Richter, les sismographes sont
formels) (ne niez pas, je l'ai senti de chez moi), terrifié à
l'idée que je pourrais repousser la chansonnette, et les limites
de vos tympans par la même occasion.
Aussi vous rassuré-je sans préambule : la cour de cassation a
tranché, j'ai reçu une injonction à ne pas approcher un micro à
moins de deux cent mètres. Or même en criant très très fort (j'ai
essayé), à deux cent mètres, on m'entend à peine sur la bande
audio. Je ne peux donc désormais plus tenter que des reprises de
Carla Bruni, essentiellement pour un public de chauve-souris et de
chiens policiers. Ce qui reste mieux que la pauvre Lorie ces
temps-ci, puisqu'elle ne chante plus que pour les retraités du rayon
fruits et légumes de l'Intermarché de Racoon-City-sur-Essonne.
Las ! Cette décision de justice aura mis un terme prématuré à mon
projet d'album, au grand dam de tous les agriculteurs m'ayant
écrit des messages de remerciements pour la pluie de samedi
dernier, et m'ont témoigné leur reconnaissance en pommes de terre
et en choux fleur. J'ai d'ailleurs cru d'abord qu'ils m'en
voulaient à mort et que c'était une forme de punition de leur part
mais non, à ma grande surprise, renseignements pris, ils
considéraient vraiment ça comme des cadeaux. Du coup je me suis
noté dans mon calepin de ne jamais me les mettre à dos parce que
j'ignore ce qu'ils me réserveraient dans ce cas-là. Sans doute la
même chose, mais blette. Ou pire : des choux de Bruxelles.
Et donc mes espoirs de fuir l'Education Nationale en perçant dans
le milieu artistique ont été balayés par cette odieuse cabale,
orchestrée contre moi par l'Association des Professeurs de
Musiques Libres, société secrète grâce aux efforts de laquelle
Calogero n'a pas encore pu intégrer le répertoire de nos
spectacles de fin d'année (merci). Ce qui vaut peut-être mieux
pour moi, d'ailleurs, parce qu'en 2022, artiste, ce n'est plus ce
que c'était, mieux vaut faire Kardashian, c'est une source
d'inspiration pour les jeunes et en plus pour réussir dans cette
branche, il suffit de se faire injecter des trucs dans des machins
et ça, je sais faire, je n'arrête pas ces derniers temps, avec
cette histoire de Covid, je suis rodé à l'exercice. Ou en tout cas
: je me pique de l'être, ce qui constitue un bon début.
Pour preuve : à ceux d'entre vous qui se demandent le lundi matin
si dans la société du troisième millénaire, leur métier sert
encore vraiment à quelque chose, et s'il ne vaudrait pas mieux
qu'ils se collent la tête sous le coussin et ignorent le réveil
(ça ne m'est jamais arrivé à moi, bien sûr, mais j'ai un très bon
ami qui vit ça régulièrement), je livre cette anecdote toute
fraîche piochée dans l'actualité du jour (professeurs d'Arts
Plastiques, pour votre bien-être moral, ne lisez plus, sautez
directement à la fin du message, là où je copie-colle mon RIB pour
encourager vos généreux dons) : dans un musée anglais, les fameux
Tournesols de Van Gogh ont été arrosés à la soupe industrielle par
deux jeunes militantes écolo, qui se sont ensuite gluées les mains
au mur pour faire un discours sur la faim dans le monde, la fin du
monde, et toutes les étapes intermédiaires pouvant conduire de
l'une à l'autre. Et alors moi je dis, elles auraient eu des vrais
profs dans leur scolarité, ou des vrais parents, on aurait évité
le drame. Parce que déjà, la soupe à la tomate industrielle, ça se
marie très mal avec les tournesols, le goût de la tomate est
beaucoup trop fort, ça gâche celui des tournesols (à part s'ils
sortent de chez Monsanto, auquel cas ils ont celui du Royal Deluxe
avec supplément frites à volonté, mais c'est un autre débat)... Un acte qui dénote d'un manque d'appétence manifeste pour les arts
culinaires (en plus des arts plastiques), même si on sait très
bien que nos amis anglais ont quelques handicaps sérieux en la
matière (on peut se réjouir d'avoir au moins échappé à leur
abominable custard cream, de triste réputation. De quoi nous
rappeler qu'au collège Jean Roucas, nous avons la chance d'avoir une
super équipe en cuisine, qui va encore régaler nos élèves plus
qu'ils ne le méritent lors du Grand Repas de jeudi - cf. le
semainier ci-joint).
Pour rappel, le 30 mai dernier, c'était la Joconde qui prenait
une tarte à la crème.
Ce que cela indique quant à l'évolution de nos mentalités, de la
part de personnes qui, de toute évidence, peinent ne serait-ce
qu'à teindre leurs cheveux en mauve convenablement ? Je laisse
chacun juge, même si je n'en pense pas moins.
Toujours est-il que fort heureusement, et pour rassurer les âmes
sensibles, ces toiles sont exposées derrière des vitres de
protection, elles sont par conséquent intactes. Le monde, lui, a
toujours aussi faim. Raison pour laquelle je compte sur vous pour
apprendre à vos élèves à définir des objectifs réalistes et à
mettre en place des stratégies adaptées pour les atteindre, avant
qu'on ne les retrouve glués sur les ailes d'une éolienne. Et enseignez-leur à
respecter l'Art, accessoirement.
Bien cordialement,
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