Où il convient de finir l'année comme la suivante commencera, à l'aune des réformes à venir.
Mesdames et messieurs les professeurs,
Mesdames et messieurs, membres de la communauté éducative.
Vous le savez, le "choc des savoirs" sera le grand chantier de l'Education Nationale pour les années à venir, et il reviendra à chacun d'entre nous d'y prendre sa place, quel que soit son statut (y compris même les secrétaires administratifs dont mon cabinet m'apprend l'existence à l'instant-même, sans trop bien pouvoir m'expliquer à quoi ils servent), afin d'oeuvrer collectivement à rendre à notre nation le niveau scolaire qui lui échoit, et rappeler au monde que nous sommes le pays de Molière, de Descartes, de Steevy Boulay et de Cyril Hanouna.
Il convient en effet que chaque élève, sans distinction, sache lire et compter jusqu'à trente en fin de Master 2 pour porter haut à l'internationale les couleurs d'une nation qui a fait de Franky Vincent un Chevalier des Arts et Lettres. Distinction méritée, quoi qu'en disent les jaloux, en cela que nos coeurs résonnent encore à l'unisson de son vibrant hommage au footballer préféré des français, chanson inoubliable pudiquement intitulé "Tu veux mon Zizou ?", et... ha, pardon, mon cabinet m'informe qu'il y a une faute de frappe et que, euh... vous êtes sûrs ? Mais alors c'est quoi le rapport avec les arts et les lettres ? Comment ça "c'est à prendre au sens large ?". Ce n'est pas avec ça qu'on va redresser le niveau ! Pourquoi elle glousse Mathilde ? ! Mathilde, ne m'obligez pas à vous licencier à deux jours de Noël, je vous rappelle que vous êtes ma belle soeur. Euuuh. Hum. Bon. Je disais quoi ? Ha oui. Ce n'est qu'en arrivant à transmettre à nos jeunes générations le goût de l'effort et la capacité à écrire leur prénom sans faute, en dépit du nombre de "h" et de "y" surnuméraires dont la cruauté parentale les aura arbitrairement affublés (pardon, je voulais écrire "créativité", fichu correcteur automatique), que nous redorerons le blason d'un pays dont les fondations culturelles ont été fortement ébranlées par trente ans de spectacles des Chevaliers du Fiel.
Ainsi serons-nous à même de
transmettre
dignement l'héritage des Lumières, je pense bien sûr à Voltaire,
je pense à Diderot, je pense à d'Alembert, mais également à
Boulanger, à Darty, aux ampoules à économie d'énergie dont nos
élèves sont les dignes successeurs. ALORS VOUS ALLEZ ME FAIRE LE
PLAISIR D’ARRÊTER UN PEU AVEC VOS COULEURS DÉGUEULASSES, LA, VERT,
ORANGE, ROUGE, DE QUOI CA A L'AIR, SUR UN BULLETIN, SÉRIEUSEMENT,
JE VOUS JURE, C'EST PAS UN BOUQUIN DE MANDALAS ZEN, QUE JE SACHE,
VOUS VOUS ÊTES CRUS CHEZ CULTURA OU QUOI ? ! De toute façon, vert,
orange, rouge, ils savent plus faire la différence entre les trois
depuis longtemps, on le constate tous les jours sur la route,
orange is the new green, et red is the new orange is the new green
aussi, donc revenez aux fondamentaux et recommencez à leur coller
des 2 et des 4, ça au moins ils comprennent jusqu'à au moins 8 ou
9, c'est après qu'ils décrochent et en même temps, ça va, les
chances qu'ils passent la barre du 10 restent minimes donc on ne
risque pas de les traumatiser.
C'est dans cette optique d'excellence collective qu'en ce jour du
22 décembre et à quelques heures à peine des fêtes dont on ne sait
plus trop comment les appeler pour ne froisser la susceptibilité
de personne, (j'avais proposé "Saint Pognon" mais la motion
n'a pas été retenue parce que "pas assez laïque", comme si
la Thune n'était pas une religion comme les autres...), j'ai
l'immense plaisir de vous annoncer la mise en place d'un nouveau
partenariat qui nous aidera, j'en suis convaincu, à remettre le
pied à l'étrier de la France, à défaut de pouvoir encore le lui
coller où elle a besoin qu'on lui colle. Ainsi donc, soyez
informés que dès la nuit du 24 décembre et en concertation active
avec le rectorat du Groenland, qui lui aussi ne travaille qu'une
journée par an sauf que la sienne dure six mois (c'est là bas
qu'on envoie tous les célibataires hommes sans enfants qui
viennent d'avoir le concours), le service
clientèle du Père Noël procédera à une redéfinition qualitative de
son barème d'évaluation des enfants sages et des enfants pas
sages, ce qui devrait représenter pour 2023 une économie de plus
de 2000% sur la ligne budgétaire "don de jouets", et une
réduction subséquente de production de déchets plastiques
(emballages, consoles X Box, figurines Funko Pop, ...).
Ce qui représentera accessoirement, et on est en droit de s'en
réjouir, une perte de plus de sept milliards d'euros pour la
société Mattel, qui comptait refourguer de la Barbie à foison
après son coup de pub génial de cet été (un vrai conte de Noël à
la Bolloré : convaincre les gens de rester deux heures devant un
spot de publicité et de payer pour, niveau coup de com', c'est
sans précédent, et nul doute que ça inspirera de nombreuses
oeuvres toutes aussi subversives - et par subversives, j'entends :
discrètement repompées d'une production des années 90 oubliée,
mais en moins subtil et en moins bien joué, comme ce fut le cas
ici pour Pleasantville).
Selon une première évaluation, réalisé sur la base d'un panel
représentatif de deux mille enfants français de 6 à 32 ans choisis
au hasard, non seulement aucun d'eux n'a mérité de cadeau cette
année, mais il faudrait en plus qu'ils remboursent une dette
équivalent à au moins six cent noëls en guise de dommages et
intérêts envers tout ce qui est bon et beau en ce monde. La
conclusion de l'étude est édifiante : si l'on devait inféoder la
distribution de cadeaux aux enfants le soir de Noël à leur
attitude en collectivité observée au cours des douze mois qui
précèdent, leur solde serait tellement en négatif que ce serait à
eux d'offrir des cadeaux au Père Noël, et pas des cendriers en
pâte à sel, hein, le genre de cadeaux rouge qui flashe, avec
marqué Lamborghini sur le capot.
Aussi le père Fouettard passera-t-il dans un second temps avec un
martinet pour mettre en place une réforme de l'éducation
bienveillante à base de référentiels à lanière, dont les
applications pédagogiques restent encore à déterminer mais
s'annoncent d'ores et déjà prometteuses.
Invité par téléphone à statuer sur votre sort, le Père Noël a
répondu : "boarf, le bilan n'est pas très glorieux mais ça
pourrait être pire alors envoyez-leur le planning de la rentrée,
c'est tout ce qu'ils méritent". Comme quoi... vous ne vous en
sortez pas si mal, compte tenu du contexte. Cadeau, ou punition ?
Nous vous laisserons juges à l'ouverture du semainier ci-joint.
Vous souhaitant de bonnes vacances et de belles fêtes,
Bien cordialement,
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