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Soutien à Tanguy

 Où tout le monde n'est pas à la fête, et où il est dur de positiver, malgré les illuminations.

 

Décidément. Le monde entier se ligue contre le message du semainier. A croire qu'il était lui aussi sur la voie rapide en mars dernier avec une banderole "non à l'entropie" (qui est à l'univers ce que le problème des retraites est à l'humanité) (je laisse les physiciens rire tous seuls dans leur coin. Moi-même, j'ai pas compris la blague...). Il ne se passe en effet plus une semaine sans son lot d'histoires sordides et de raisons de désespérer. C'est comme un calendrier de l'avent qu'on aurait publié dans les pages du Nouveau Détective : chaque jour on ouvre une case et on tombe sur un os, au sens littéral, tant notre espèce a de squelettes cachés dans ses placards. Ce qui expliquerait pourquoi il lui en manque tant. Des cases. Essayez de suivre, un peu, c'est vendredi soir pour moi autant que pour vous.

Je veux dire... quand j'avais vingt ans, le plus sordide, dans mon quotidien, c'était Loft Story, que je regardais assidument pour une raison qui m'échappe a posteriori, mais qui n'avait vraisemblablement rien à voir avec un quelconque processus d'élévation spirituelle. Après tout, enfant, je ne ratais jamais les Animaux du Monde (je peux encore chantonner le générique de mémoire. ça faisait quelque chose comme : PO-PO-PO-POM POPOPOPOOOOOOM...), ni les émissions du commandant Cousteau, je n'étais pas à un documentaire animalier près. Sans doute cherché-je alors à me documenter sur comment j'étais censé me comporter dans un monde extérieur que je n'avais jusqu'ici pas trop fréquenté, et sur ce qu'était cette normalité dont j'entendais tellement parler sans jamais la voir appliquée en contexte. Mais n'étant pas non plus né de la dernière pluie (de part mon ascendance à moitié Belge, je suis né dans un choux de Bruxelles), j'ai compris par moi-même que les piscine publiques, c'était fait pour nager, pas pour perpétuer l'espèce, et que personne ne me filmerait sous la douche avant qu'on ne m'installe mon premier compteur Linky des années plus tard. Ce n'est pas de la parano : chaque fois que j'enlève le haut, j'entends des hurlements d'horreur provenant du wifi.

C'est un temps que je regrette aujourd'hui. 

Parce que j'avais des cheveux, déjà, que je sculptais méticuleusement mèche par mèche au gel Vivelle Dop fixation béton (dont je subodore qu'il a activement participé plus tard à leur exode rural), en priant fort pour qu'il n'y ait ni vent ni pluie ni rien de naturel dehors pour venir altérer l'équilibre architectural de ma Chapelle Sixtine capillaire (l'homme n'étant alors pas pourvu de miroir de poche, il se trouvait contraint de faire ça à l'aide des vitrines de magasins ou des rétroviseurs, ce qui est très embarrassant quand le conducteur est encore dans la voiture). J'aurais pu prendre une brique sur la tête, alors, qu'elle aurait sans doute rebondi sans que je ne sente rien de plus qu'un léger chatouillis. Au moyen-âge, on se serait servi de moi comme arme de siège. J'aurais fait un bélier très honorable - et pas seulement parce que c'est mon signe astrologique. 

Mais d'abord, je regrette ce temps parce qu'à l'époque, on pouvait encore rire de tout, même si pas forcément avec tout le monde (c'est un vaste débat), et oui, d'accord, ça impliquait Bigard et Michel Leeb, mais c'était un mal pour un bien. Alors qu'aujourd'hui, non seulement on ne peut plus mais on ne veut plus. Moi le premier. Vous n'imaginez pas l'angoisse que c'est d'avoir à écrire un message hebdomadaire à caractère humoristique en 2023. Et à plus forte raison quand l'actualité de la semaine ressemble à un épisode d'Esprits Criminels, qui aurait été écrit par un pervers narcissique érotomane à fortes tendances psychopathiques, c'est-à-dire un français moyen. C'est quand même difficile de rire de tout quand l'univers se comporte avec vous comme un grand de 3ème qui en veut à votre argent de poche. J'ai une petite pensée émue pour mon homologue diplodocus d'il y a quarante cinq million d'années, celui qui en premier avait demandé le remplacement de notre prof de physique et qui a fossilisé sur pied en écoutant la musique d'attente du rectorat : je l'imagine en train d'écrire son propre message hebdo, à essayer de trouver des blagues rigolotes sur le thème de ces drôles de trucs enflammés qui tombent du ciel et des hivers de quinze ans. "Gardez votre sang froid", aurait-il pu écrire avant de s'effondrer. C'est un peu l'impression que j'ai depuis quelques temps. Ou d'être l'orchestre d'un Titanic où l'on n'aurait pu s'offrir que les talents d'un flûtiste à bec. Niveau Collège. A 8 de moyenne (haaa, ça, j'en ai crevé, des tympans, dans mes jeunes années. Pourquoi vous croyez qu'il y a autant de fans de Jul ? Ce sont tous d'anciens profs et d'anciens camarades à moi).

Bref.

Une fois de plus, j'avais prévu un tout autre texte cette semaine, beaucoup plus léger, beaucoup plus dans le ton des fêtes, sauf que j'apprends ce soir que Tanguy Pastureau, mon Tanguy Pastureau, mon jumeau breton, et donc maléfique, en plus beau et en presque célèbre, celui dont on croirait que je lui ai volé ses vannes avant même d'avoir eu vent de son existence, est contraint de fermer sa page Facebook suite à une chronique qui a déchainé des foules qui auraient dû le rester. Enchaînées. Je vous avais prévenu qu'il faudrait suivre. 

Une chronique pourtant savoureuse sur le milieu scolaire, dont je vous invite à découvrir l'intégralité par la magie moderne d'un lien hypertexte : https://www.youtube.com/watch?v=UTS9gYOvTxs (il est plus drôle que moi, je sais).

Et je me dis, c'est incroyable quand même cette décomplexion de la bêtise ordinaire (que ce soit à droite ou à gauche, d'ailleurs, il n'y a plus vraiment lieu de faire la différence, ce que nos politiques ont compris depuis plus de quarante ans), cette banalisation de la haine en bande organisée, ce hooliganisme de la liberté d'expression, dont le droit inhérent à chaque individu est exercé avec la clairvoyance et la mesure d'un ado de quinze ans à qui on dit "non" pour la première fois. Qui sera la dernière, souvent, et se soldera par l'achat d'une Playstation 5 pour se faire pardonner. En 2023, tout le monde déteste tout le monde, et tient à le faire savoir. Sur les bios des réseaux sociaux, on lit "empathe", "hypersensible", "neuroatypique", "esprit libre", on a l'impression de voir érigé un temple à la gloire de l'Humanité avec un grand H. Sauf que dans les faits, ce serait plutôt l'humanité avec une grande hache. A la moindre flatulence en trajectoire oblique, ça sort la tronçonneuse et le masque de hockey. A croire que notre vrai masque, dorénavant, c'est celui de l'humanité, et que notre réalité est le monstre (de moins en moins) tapi au-delà. 

Tenez, vous voulez une preuve qu'on régresse ? Aujourd'hui l'une de vous m'a offert un Kinder, ceux avec un jouet à l'intérieur et je me suis dit "chouette, ça va me prendre l'après-midi pour le monter, pendant ce temps-là je ne serais pas en train de faire quelque chose de professionnellement constructif" (ce qui, je vous le rappelle, constituerait une faute professionnelle). Eh ben non, même pas, tu penses ! En 2023, un jouet Kinder, c'est deux trucs à clipser et basta. Bon, ça m'a quand même prix deux heures, c'est-à-dire 1h59 de plus que pour manger le chocolat autour mais moi, de mon temps, il fallait un diplôme de polytechnicien, pour monter un jouet Kinder ! ça impliquait du sang ! De la sueur ! Des larmes ! Des divorces, même, parfois. Et au final on jouait avec la capsule, pendant que le parent préposé au montage pleurait intérieurement toutes les larmes de son corps.

Aussi la question se pose-elle, plus que jamais. A une époque où les gens n'ont plus ni la maturité, ni un niveau de culture suffisant pour comprendre le second degré, peut-on encore rire de tout ? Bon, pour ma part, j'ai bien compris : pas de la voie rapide, ni des manifestations, ni de la bienveillance. Il me restera l'Ardèche et le point d'indice. C'est toujours ça de pris.

Soutien à Tanguy.


Vous souhaitant un bon week-end passé à écouter TOUTES ses chroniques depuis l'invention de la radio,


Bien cordialement,

-- 
 
Le secrétaire de direction

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