Où suite à la polémique de l'année dernière, on avait bien prévenu les abonnés à la liste de diffusion du semainier en version étendue que les choses n'iraient pas nécessairement en s'améliorant. La preuve en actu, sur la corde raide (une ligne a toutefois été auto-censurée lors de la diffusion, on vous laisse deviner laquelle).
Bonjour à tous,
Comme attendu, veuillez trouver ci-joint le planning de la
semaine à venir.
Un peu de sérieux ce soir, pardon par avance. Il n'aura échappé à
personne, je pense, que ce dimanche on vote, et à cette occasion,
j'aimerais qu'on revienne sur cette sympathique vidéo sponsorisée réalisée par Brut, le célèbre média de divertissement
(parce qu'avec des sujets de cinq minutes, on peut difficilement
parler d'information, sauf si on est un poisson rouge), en
partenariat avec le site de pétitions publicitaires Avaaz,
que vous pourrez théoriquement visionner en cliquant sur le lien
suivant :
https://www.facebook.com/reel/1614539299362680
Dans la mesure où j'ignore si celle-ci est accessible quand on
n'a pas Facebook, le fameux réseau social de jeunes pour les
vieux, je vous la résume en quelques mots : une jolie jeune femme
svelte au sourire ultrabright (qui n'a sans doute pas été choisie
au hasard, car le message aurait sans doute été moins impactant
énoncé par Brigitte Fontaine) nous explique qu'il faut voter
dimanche, et pousser nos amis à suivre notre exemple pour faire barrage
à l'extrême droite. A cet effet, elle nous donne (ce qui est
assez rare, sur internet, et à plus forte raison sans qu'on ne le
demande) trois techniques imparables afin d'y parvenir : d'abord,
ne pas argumenter (surtout pas s'appuyer sur des statistiques !)
mais faire appel à leurs émotions, ce qui les touche, ce qui les
révolte, parce que les émotions c'est comme certaines parties de
notre anatomie qui ne voient pas beaucoup le jour, tout le monde
en a (alors que l'argumentation, beaucoup moins, depuis que le
niveau scolaire fait des bulles au fond de la fosse des Mariannes)
; ensuite, leur raconter une anecdote personnelle expliquant
pourquoi vous allez faire barrage à l'extrême droite (vous pourrez
l'appuyer sur des statistiques, elle, par contre, sans qu'il soit
besoin d'en donner la source, c'est comme ça, c'est magique),
parce qu'on n'est plus ému que par ce qui nous touche directement
vu qu'on n'a plus aucune considération pour les autres ; enfin,
les rappeler tous les deux jours pour bien leur rappeler de ne pas
oublier (de bloquer votre numéro).
Et c'est un bon début, c'est vrai, car à quoi bon avoir des amis
si ce n'est pas pour jouer avec leurs émotions et les manipuler à
leur insu comme un politicien en campagne ? L'amicale des pervers
narcissiques aime ça.
Mais j'ai trouvé la vidéo encore trop superficielle. Il y a
d'autres moyens tout aussi efficaces (et dans le même registre)
d'obliger vos amis à voter comme vous, ce qui est l'essence-même
d'une démocratie saine et épanouie.
En voici cinq complémentaires :
- Prenez en otage un ou plusieurs membres de leur famille
et/ou leur animal de compagnie (parfois, il est plus
efficace de prioriser l'animal, on a nécessairement plus
d'empathie pour une gerbille que pour une belle-mère, par
exemple). Assurez-vous simplement bien en amont que votre ami
éprouve de l'affection pour le ou les
personnes/animaux/végétaux/amis imaginaires que vous envisagez
de séquestrer dans votre sous-sol pour une durée indéterminée,
sans quoi vous risquez de les avoir à charge pour le restant de
vos jours. Pensez également à installer au préalable un matelas
dans la cave, un petit seau pour les commodités, des chaines en
métal et du Kiri Goûter. Rappelons qu'une prise d'otage, cela ne
s'improvise pas à la légère, et que la réglementation impose que
l'exercice soit supervisés par les pompiers du secteur.
- Faites-leur du chantage affectif : regardez-les
bien en face, sortez-leurs les yeux du Chat Potté après sa
troisième ligne de poudre et dites-leur sur un ton glacial : "si
tu ne vas pas voter dimanche, je ne t'aime plus". Les parents
sont formels, c'est une méthode très efficace pour obtenir une
Playstation, un scooter, 250 euros d'argent de poche en liquide,
l'immunité scolaire sur cinq ans et autres biens tant convoités
par nos chères têtes chevelues (parce que blondes, en 2024,
c'est trop stigmatisant). Notez que cette méthode marche aussi
très bien dans l'autre sens, sur ses propres enfants, mais
jusqu'à douze ans uniquement et il ne faut pas trop en abuser non plus, sous
peine de devoir faire du café au pied levé pour les agents des
services sociaux. Notez pareillement que cette méthode ne marche
pas du tout sur les enfants des autres, ce qui est regrettable
parce que dans le cas contraire, ça aurait fait de
l'enseignement le plus joli métier du monde et j'aurais passé le
CAPES deux fois pour être sûr qu'on ne me le reprenne JAMAIS.
- Ne vous arrêtez pas en si bon chemin, faites-leur du
chantage tout court. Déterrez leurs plus sombres secrets
et menacez de les révéler publiquement s'ils ne suivent pas vos
indications à la lettre (c'est autorisé si c'est au nom de la
démocratie). Personne n'est innocent. Tout le monde a un jour ou
l'autre regardé l'Île de la Tentation, acheté un CD single de
Gérald De Palmas ou laissé un message de soutien sur le fil
Twitter des profs avec Zemmour, un ou deux verres de trop, un
chagrin d'amour, la vie n'a plus de sens alors on fait des
bêtises, c'est humain. Et à quoi servirait-il de faire des
bêtises, si ce n'est pour qu'autrui puisse les exploiter à notre
désavantage au moment opportun (bon, on peut également en
apprendre et en tirer des leçons, mais c'est plus fatigant). Au
pire, s'ils sont professeurs et si vous n'avez aucun moyen de
pression sous le coude, demander aux parents d'élèves de leurs
classe respectives, ils ont noté tous leurs faits et gestes
infamants au jour le jour sur minimum cinq ans.
- Frappez-les. C'est une méthode peut-être un peu
expéditive mais qui a le mérite de faire gagner du temps et de
les renvoyer à la plus universelle des émotions : la douleur.
Attention néanmoins à bien leur demander au préalable s'ils ont
pratiqué un sport de combat dans leur jeunesse ou s'il font
l'objet d'une fiche S, c'est très important pour la suite des
négociations ou de votre vie tout court. Alors j'entends bien
que nous ne sommes pas tous à l'aise avec la violence physique,
certaines personnes fragiles et soumises refusent de passer
quatre heures par jour à la salle de sport pour lever des
cerceaux en fonte au milieu de gens en legging (mais ces
réfractaires sont une espèce en voie de disparition depuis que
les pectoraux sont cotés en bourse), raison pour laquelle
j'encourage pragmatiquement tout un chacun à utiliser des objets
usuels du quotidien comme les bottins, les téléphones, les
couteaux commandos interdits à la vente qu'on trouve chez le
marchand de journaux, etc...
- Lavez-leur le cerveau. ça ne peut que leur faire du
bien, ils ne s'en sont servi qu'une seule fois le jour où ils
ont dû choisir leur orientation post-3ème parce qu'on leur a dit
que la 2nde GT, ce serait pas possible avec 4 de moyenne, il
doit donc être tout encrassé. Pour ce faire, là encore, rien de
plus facile : invitez-les à votre domicile sous quelque
fallacieux prétexte d'ordre festif, faites-les boire jusqu'à ce
que perte de connaissance s'ensuive (bref : ne changez rien à
vos habitudes. Et n'oubliez pas, au passage : celui qui conduit,
c'est celui qui ne boit pas. C'est trop galère après pour lire
les sms sur le siège passager), attachez-les au chatterton sur
une chaise face à l'écran de la télévision, scotchez-leur les
yeux en position ouverte (attention : pour le maniement du
scotch, une expérience en poste administratif est un plus) et
diffusez-leur en boucle le discours du candidat de votre choix.
Insistez bien sur la partie ou celui-ci énonce que si le monde
va mal, c'est la faute (au choix, liste non exhaustive) : des
pauvres, des riches, des hommes, des femmes, des blancs, des
noirs, des jaunes, des rouges, des rouges et jaunes (à petits
pois), des catholiques, des musulmans, des juifs, des
carnistes, des végans, des vaccinés, des antivax, des boomers,
des francs maçons, des illuminatis, des reptiliens, des gays,
des hétéros, des intersexes, de la compagnie créole, des
chevaliers du zodiaque, des sentinelles de l'air, des rangers du
risques, etc, etc.
Si avec tout ça, votre ami ne vote pas comme vous, c'est que ce
n'était pas un véritable ami et qu'il est temps d'en changer. Ou
qu'il a une force de résilience très supérieure à la moyenne.
Alors bon, moi, je ne suis pas vraiment concerné : je n'ai pas
d'amis. Mais j'adorerais en avoir pour faire comme ils disent dans
la vidéo et manipuler ouvertement quelqu'un qui me fait confiance
en appuyant là où ça fait mal pour le pousser à agir comme moi.
J'aimerais profondément avoir aussi peu d'estime pour un être qui
me serait si proche. Quand on me dit "amitié", dans ma
tête, c'est exactement comme ça que j'ai toujours visualisé la
chose, avec quelques intermèdes plus léger où je leur emprunterais
de l'argent pour pouvoir inviter leurs conjoint(e)s aux Baléares.
Mais las ! N'étant pas votre ami, je me trouve au regret de vous
laisser libre de voter ou pas, et de le faire pour le candidat de
votre choix ou de votre non-choix, voire de votre anchois si votre
bureau de vote est situé en face du camion-pizza (heureux
veinards).
En ce qui me concerne, je n'ai rien à cacher : le vol yogique
n'étant plus d'actualité, je vote parti animaliste. Sur les
affiches, ce sont les seuls candidats qui m'inspirent confiance,
on en est arrivé à un point où un lapin ou un un canard me
semblent plus en accord avec mes valeurs profondes, et plus aptes
à défendre mes intérêts dans la mesure où les leur se résument à
trois croquettes et à une grattouille. Et puis au pire s'ils ne
font pas bien leur boulot, on peut toujours les manger. C'est
d'ailleurs un principe démocratique qu'on devrait étendre à
l'ensemble des candidats, ils y réfléchiraient à deux fois avant
de sortir une nouvelle réforme des retraites. Bon, après, c'est sûr, ça poserait un problème au niveau de la
traçabilité de la viande, il paraît que la cocaïne s'élimine très mal
dans l'organisme.
Et encore faudrait-il que les gens aient moins de principes que
votre serviteur (c'est une expression, ne vous emballez pas), qui
refuse de manger tout ce qui est plus intelligent que lui, à
savoir : les poulpes et Fabrice Lucchini. Non parce qu'en 2024, si
tout le monde en faisait autant, les gens mourraient de faim,
c'est peut-être pour ça que certains ne mangent plus que de la
salade, d'ailleurs. Ce qui est encore grandement sous-estimer
l'intelligence des végétaux, dont il a été prouvé qu'ils sont
sensibles à la grande musique, contrairement à 75% de la
population mondiale qui préfère écouter Skyrock ("premier sur
le rap", déjà, dès l'intitulé, ça sent le PAI). Encore tout
récemment, il a été rapporté sur BFMTV (premier sur tout le reste)
l'histoire tragique d'un pot de pétunia qui s'est jeté par la
fenêtre du troisième étage après avoir entendu du Aya Nakamura.
Les autorités ont d'abord pensé à un malencontreux accident, il y
avait du vent ce jour-là, le pot était en équilibre instable, sauf
que le pétunia était exposé au rez de chaussée et que certains
voisins l'ont vu prendre l'ascenseur tout seul dans les cinq
minutes précédant le drame. Parait-il que c'était la première fois
qu'ils voyaient un pétunia pleurer.
Tout ça pour dire qu'à une époque où la priorité de l'éducation
aux médias devrait être d'apprendre aux (futurs) citoyens à
reconnaitre les principaux stratagèmes sophistiques et se méfier
comme de la peste de tout discours faisant appel à leurs émotions
plutôt qu'à leur raison (car généralement, on fait appel aux
premières quand on n'a pas de quoi souscrire aux exigences de la
seconde), qu'on leur donne a contrario sans complexes et le
sourire aux lèvres les clés pour jouer le jeu de la manipulation à
parts égales, comme s'il s'agissait de la chose la plus anodine au
monde, à plus forte raison en période électorale et en direction
de nos proches, ça a quelque chose de glaçant, au fond, presque
psychopathologique, mais dans la joie, la bonne humeur et le
sentiment du bon droit. On sait historiquement ce que ça a donné.
Au-delà, c'est un aveu. C'est dire : "voilà comment nous
procédons nous-mêmes au quotidien lorsque nous prétendons vous
informer objectivement. Voilà comment nous nous y prenons. Voilà
quel effet nous souhaitons produire". Glaçant, ai-je dit.
C'est une litote, je ne sais pas vous mais moi je vais passer une
petite laine. Enfin bon. On se rassurera en se disant que c'est la
droite, ça, qu'elle n'a pas de principes, que pour elle la fin
justifie les moyens, qu'elle a toujours été prête à tous les coups
fourrés pour l'emporter, même à faire voter les morts et que...
hein ? Quoi ? C'est une vidéo de gauche ? Ha. Mince. Bon. Allo,
Houston ? Je crois qu'on a un problème.
AAAAAAAND IIII-----IIIIIIIII WIIIIILL ALWAAAAYS LOOOOVE YOUUUUUUU
Pas toi, Houston. L'autre.
Arrête de jouer avec mes sentiments.
Vous souhaitant un week-end en votre âme et conscience,
Bien cordialement,
--
Le secrétaire de direction