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Gaston, y'a l'téléfon qui son (et y'a person qui répon)

 Où au lieu de partir plus tôt comme on l'avait initialement prévu, on lâche un dernier clin d'oeil aux vacances le temps de se fâcher avec du monde en relatant une anecdote 100% vécue (ou presque).

 

Bonsoir à tous,

Cette fois, c'est sûr, il n'y a plus d’ambiguïtés, le semainier joint en atteste : les vacances, c'est fini, le doute n'est plus permis. L'espace de quelques jours, on pouvait se murer dans le déni, comme moi chaque fin de mois quand je découvre ma fiche de paie : se dire que ce n'était qu'un vilain cauchemar et que nous voilà revenu en ce bon vieux mois de juillet 2024, ou bien qu'il s'agissait, peut-être, d'une activité festive du camping qui aura mal tourné, mais non, il faut se rendre à l'évidence, la page des vacances est tournée.

Tant mieux, ai-je envie de dire. 

Je sais, de ma part, ça surprend.

Et pour cause. Vous ne m'avez pas demandé comment s'étaient passées mes vacances parce que vous vous en fichez éperdument, vous ne m'aimez que pour mes mots de semainier et mon corps d'Apollon (source : sondage Ipsos Sofres réalisé auprès d'un panel de 5000 fans de Rubens, qui m'ont rebaptisé affectueusement Tartiflon, Dieu de la beauté et du fromage fondu, fusionnant par là même leur deux principaux centres d'intérêt), mais je vais vous répondre quand même : mal. TRES mal.

Rendez-vous compte (attention, ce récit authentique d'une rare violence pourrait heurter les âmes les plus sensibles). Quelques minutes à peine après avoir quitté mes pénates pour des cieux plus cosmopolites (puisque marseillais) (j'avais toujours rêvé de visiter un état indépendant en autogestion, c'est chose faite) (plus jamais ça. J'ai annulé mon voyage à Cuba tout de suite derrière, tant pis pour les cigares et les missiles), à ma grande horreur, je me suis rendu compte que j'avais oublié mon téléphone portable (insérer ici un coup de cymbales dramatique). Acte d'autant plus manqué, et d'autant plus tragique, que j'avais activé la double vérification sur la totalité de mes comptes internet, laquelle passe forcément par... mon téléphone portable. Ce qui implique que la seule chose d'à peu près numérique à laquelle j'avais encore accès pour assouvir mes addictions modernes, c'était ma boîte académique. Autant vous dire que j'ai relu la circulaire de pré-rentrée en boucle et en pleurant.

Les conséquences physiques et morales de cet oubli n'ont pas tardé à se manifester, aussi sûrement que le SNES-FSU en période de réforme  :

Au bout de vingt quatre heures déjà, je ne savais plus à quoi pouvait ressembler un chaton qui joue du banjo, je confondais mentalement avec Demis Roussos (qui aurait fait, je pense, un Main Coon très convaincant).

Résultat des courses : obligé le lendemain d'acheter en urgence un Ukulélé artisanal made in Marseille fabriqué en Chine dans la première boutique de souvenirs du coin, puis passer les six heures suivantes en quête d'un chat errant, mais le résultat ne fut pas à la hauteur de mes espérances. Le chat avait la rage. Son propriétaire aussi. Comme à peu près tout le monde sur Marseille, du reste, il n'y a pas de mérite. J'ai encore les marques de dent, mais ça met plus longtemps à cicatriser à cause du pastis.

Au bout de quarante huit heures, la situation était intenable : je commençais à ressentir les premiers effets du manque de vidéos de loutres et de pandas.

Pour les atténuer, j'ai demandé à ma compagne de se déplacer à plat ventre et de casser des coquillages sur son abdomen avec un caillou rond mais l'idée n'a pas eu trop l'air de l'emballer, il a fallu que je ressorte acheter une poche de glace pour mon œil droit (je n'ai jamais retrouvé le caillou).

Cette même compagne (car oui, je l'ai gardée malgré tout, je suis un saint) m'a ensuite fait remarquer que j'étais devenu beaucoup plus agressif, mais c'est normal aussi, je n'avais plus mon quota quotidien de démarcheurs téléphoniques pour essayer de me vendre des volets roulants télécommandables depuis l'espace au cas où un jour je sois bloqué sur la lune et où j'aie besoin de contrôler l'ensoleillement de mon living, rapports aux plantes vertes et tout ça. Du coup je n'avais plus personne sur qui déverser mon trop plein de fiel en toute impunité (les démarcheurs téléphoniques sont reconnus d'utilité publique depuis 2007, ils sont passés devant les balles anti-stress dans la catégorie "bien être individuel", en cela qu'ils donnent à tout un chacun la possibilité de s'adresser à son semblable comme jadis les propriétaires de champs de coton à leur main d’œuvre basanée).

Je dois par contre admettre que cet oubli a aussi eu ses avantages : pendant une semaine, je n'ai plus eu de polémiques stériles ni de faits divers sordides pour nourrir ma misanthropie. Pour un peu, si je n'avais pas emporté un miroir de poche, j'aurais presque pu croire que le monde était beau. Je me suis surpris à porter sur les gens un regard neuf et bienveillant. Trois jours à peine après mon arrivée, j'ai arrêté de les toiser avec méfiance en soupçonnant tous ceux qui me sourient d'être Xavier Dupont de Ligonès (j'en compte une bonne vingtaine rien qu'au collège, qu'ils se le tiennent pour dit).

Un gars m'a demandé du feu, je lui ai passé mon briquet, deux heures plus tard j'étais au poste à cause des empreintes, on s'entendait à peine à cause des sirènes de pompiers mais j'étais bien, j'étais zen, j'étais déconnecté, en phase avec le monde et mes semblables.

Au quatrième jour, au restaurant, j'ai demandé la carte, le vendeur d'un air méprisant m'a indiqué un QR code imprimé au coin de la table, pas grave, j'ai commandé un plat du jour, le tour était joué. C'était du goulasch au strudel mais tant pis, c'est aussi comme ça qu'on apprend.

Du coup, quand je suis rentré, vous savez ce que j'ai fait en premier ?

Balancé tous ces foutus appareils à la poubelle et déménagé au fin fond du Larzac.

...

Mais non, évidemment. Je vous charrie. 

J'ai sauté dessus comme la misère sur les neuf dixièmes du vaste monde, pour voir ce que j'avais raté d'important.

Et ben devinez quoi ?

Je n'avais rien raté du tout.

Kristin Kreuk n'avait pas cherché à me joindre pour me déclarer sa flamme (rapport au temps que nous avons passés jadis ensemble dans le cadre de la trilogie du samedi) (moi devant, elle derrière. Parfaitement complémentaires) (des âmes sœurs, je vous dis).

Mes amis n'avaient pas oublié mon existence. C'est à peine s'ils avaient noté mon absence. 

Je savais toujours différencier les bananes des ananas à Candy Crush.

Le monde était tristement le même qu'avant mon départ.

Aux dernières nouvelles, un homme ivre s'était étouffé avec un chaton qui joue du banjo. La routine, depuis que l'Education Nationale est devenue une option facultative dans l'esprit des gens.

Mais plutôt que d'en tirer les leçons qui s'imposaient et d'en concevoir une légitime révolte, j'ai ouvert Google, j'ai tapé "chatons qui jouent du banjo en jonglant avec des loutres", j'ai précipitamment éteint mon écran à la vue du résultat obtenu, j'ai réactivé le filtre parental, et seulement ensuite j'ai relancé ma recherche. Quatre heures plus tard, j'ai refermé Youtube, la bave au lèves mais empli d'un inexplicable sentiment de satiété. Je n'avais pas vu de chatons jouer du banjo, j'avais même oublié que c'était l'objet initial de ma recherche, mais j'avais vu des zèbres faire de la trottinette, des pandas obtenir leur Brevet avec mention, des chauve-souris assister à un concert de Damien Saez (une boucherie), des loutres casser des coquillages sur leur abdomen avec des cailloux ronds, et tellement d'autres choses merveilleuses encore dont je serais moi-même incapable, si d'aventure il me prenait l'envie de faire carrière en tant qu'animal mignon sur Youtube.

Pourtant, au fond de moi, je sentais comme un vide. 

Au fond de moi, oui, désormais, j'aspirais à mieux.

Alors je me suis empressé de précommander le prochain Iphone turbo-nano-mano-solo avec dix sept millions de pixels et de couleurs en plus - et tant pis si l’œil humain ne peut pas en discerner autant, je saurai qu'elles sont là, ce sera écrit sur la boîte, ça suffira à mon bonheur. 

Je suis un garçon simple.

Mais quand même. 

En repensant à ces quelques jours d'abstinence forcée, je me demande :

Est-ce qu'on ne se serait pas tous un peu fait avoir quelque part ?


Vous souhaitant un bon week-end en mode avion,

Bien cordialement,

-- 
 
 
Le secrétaire de direction

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